Principes de l'animation participative

De Niska/Accolades

L'équipe d'Accolades a théorisé l'animation participative en 7 principes fondateurs qui guident l'animateur/trice tant dans son approche que dans sa posture.

Relier l’individuel au collectif

Accepter la complexité et faire preuve de nuance

La question, l’outil principal

Le groupe s’approprie, négocie et s’émancipe du cadre

L’adaptation : une compétence au cœur de l’animation participative

Le groupe est capable d’une œuvre collective et porte la réponse

La confiance en soi, avec le groupe et au sein du groupe


Relier l’individuel au collectif

L’animation participative a pour objectif de permettre l'action collective en accompagnant les membres d’un groupe dans le passage d’une multitude de « je » individuels à un « nous » collectif. En créant des liens entre les participant.es, elle permet de passer d'un collectif d'acteurs à un acteur collectif.

Le passage de l’individuel au collectif s’articule autour de trois dimensions :

  1. L’engagement de chacun : l’animateur.trice et les participant.es s’engagent à mettre leurs connaissances, leurs compétences et leur intelligence au service du groupe. Pour cela, ils et elles devront lâcher prise sur des postures de représentation.
  2. La méthodologie permet le dépassement des hiérarchies, formelles comme informelles, présentes dans les groupes afin que chacun.e puisse s’exprimer à part égale et contribuer à fabriquer une production commune et partagée.
  3. La conscience que ce passage du « je » au « nous » doit être réfléchi et vécu avant, pendant et après l’animation, de la conception à la production mais également dans toute la durée de vie d’un projet, d’une réflexion, y compris lors de son évaluation.

« la totalité est plus que la somme des parties » - Aristote

L’animation participative met en œuvre des méthodes et des outils permettant de libérer l’intelligence collective d’un groupe.

Quand la coopération et l’équité sont de mise entre des individus réunis, leurs intelligences, connaissances et compétences individuelles sont sublimées. L’animation participative permet aux participant.es de prendre conscience de leur capacité d’agir personnellement, mais également en tant que groupe. De même, elle reconnait la supériorité du travail collectif sur les opinions individuelles, favorisant la mobilisation et la collaboration autour de ses résultats.

Inclusion et décision

Afin de passer de l’individuel au collectif et de permettre l’expression de l’intelligence collective, le processus d’animation doit permettre aux individus d’être accueillis dans leur état du moment et d’intégrer le groupe de manière délibérée. Pour ce faire, l’animateur.trice proposera une inclusion au début d’une séance de travail, puis une déclusion à la fin. Ces deux étapes sont essentielles et fondamentales à l’animation participative.

Inclusion : une activité qui permettra aux individus de faire groupe, de passer du « je » au « nous » par la création de liens, d’échanges, de croisements.

Déclusion : une activité permettant de clore l’espace d’intelligence collective pour revenir à l’individu. Souvent un moment d’introspection, d’expression personnelle et/ou d’apprentissages. La déclusion est également un moment où le groupe reconnaît le travail et l’énergie qu’ont fournis les individus. Elle leur permet de retirer des apprentissages, de la satisfaction ou un positionnement renouvelé. Une déclusion efficace est signe que l’individu n’a pas été « instrumentalisé » au profit du collectif, mais que collectif et individus sortent tous deux gagnants du processus.

Accepter la complexité et faire preuve de nuance

L’animateur.trice fait preuve de nuance et accepte la complexité des enjeux et des situations pour conduire le groupe à l’accepter lui-même. La réalité des écosystèmes humains étant complexe et nuancée, il est essentiel de permettre au groupe de prendre des décisions éclairées qui prennent en compte cette réalité en évitant de la simplifier.

Considérer la complexité demande de prendre conscience de ses angles morts pour mieux en sortir. Cette prise de conscience n’est possible que collectivement, par le croisement de différentes perspectives et points de vue menant à l’émergence de l’intelligence collective (voir le principe « Relier l’individuel au collectif »).

« Relier, relier, relier » - Edgar Morin

Dans le même ordre d’idées, la pensée complexe invite à créer des liens, plutôt qu’à diviser ou segmenter. Les processus doivent donc favoriser ce travail de reliance par la multiplication des idées, la dialectique et les divergences menant à des idées nouvelles et des compréhensions plus larges. La complexité invite également à faire place au doute et à l’expérimentation plutôt qu’à la certitude, ainsi qu’à privilégier les intentions aux objectifs.

Afin d’accompagner le groupe à apprivoiser cette complexité, l’animateur.trice doit se rappeler que plus une situation ou un écosystème est complexe, plus les processus et outils qui permettent de l’appréhender devraient être accessibles. C’est ce minimalisme qui permettra de faire de la place à la sensibilité, à l’intelligence émotionnelle, mais également à la multiplicité des points de vue ainsi qu’à la créativité des acteurs.

La question, l’outil principal

L’animation participative n’est pas une succession d’outils et de méthodes cherchant à rendre les rencontres plus ludiques. Ses finalités sont la conscientisation, l’émancipation et le développement du pouvoir d’agir des groupes.

Le rôle de l’animateur.trice n’est donc pas de sélectionner le ou les bons outils pour chaque tâche. Cette lecture du travail pourrait même rendre l’animation participative inaccessible aux yeux de certain.es animateurs.trices qui auraient peur de ne pas connaître suffisamment de méthodes et d’activités, ou encore de ne pas choisir les bonnes.

Plutôt, le principal levier de l’animateur.trice est la formulation de questions simples, mais puissantes, qui formeront le fil conducteur du processus et de la maïeutique. De question en question, le groupe fera émerger une réponse qui lui est propre.

La simplicité de la question fait également sa puissance, puisqu’elle permettra d’appréhender les situations et les écosystèmes dans le respect de leur complexité. Une bonne question « ouvre » les possibles et les esprits. Elle permet le travail de reliance (voir le principe « Accepter la complexité et faire preuve de nuance »).

Sa puissance reposera également dans l’intention de l’animateur.trice : posée avec engagement et authenticité, elle sera conscientisante, moteur et révélatrice pour un groupe.

Derrière ce principe est sous-tendue une idée de minimalisme, de replacer le processus conscientisant au centre de notre pratique d’animation. Ce ne sont pas les outils qui feront le succès d’une animation, mais bien l’intention qui lui est insufflée ainsi que la posture authentique et claire du groupe comme de l’animateur.trice.

Le groupe s’approprie, négocie et s’émancipe du cadre

Dans toute animation, il existe un ou plusieurs « cadres » à l’intérieur duquel le groupe et l’animateur.trice travailleront dans le but d’arriver à une production. Ce cadre existe à différents niveaux et peut être explicite, comme implicite. On distingue :

Cadre de l’animation

Le cadre de l’animation est l’ensemble des règles et des valeurs déposées par l’animateur.trice et le groupe, et il influencera la manière de travailler ensemble. Il ne s’agit pas du processus, de la maïeutique ou des outils, mais de l’espace dans lequel se déroule le processus. En ce sens, l’animation participative, avec ses principes, fait elle-même partie du cadre.

Cadre institutionnel

Le cadre institutionnel est un ensemble d’éléments de contexte et de culture propres à un groupe. Il inclue les pratiques usuelles, les relations de pouvoir, les habitudes ainsi que l’environnement de travail et la culture organisationnelle.

Cadre de référence

Le cadre de référence est un ensemble de définitions, de concepts et d’idéologies que porte le groupe et les individus qui le composent. Les questions seront appréhendées à partir de ce(s) cadre(s) de référence.

Cadre temporel

Il s’agit de prendre en considération à quel moment de son histoire le groupe se situe, quand et comment il peut agir. Ce cadre temporel peut comprendre différentes dimensions : Chronos, le temps quantitatif et linéaire, Kairos, le temps du moment opportun, et Aiôn, le temps des cycles.

En animation participative, le groupe et les individus qui le composent ont la possibilité de s’émanciper de ces cadres. En ce sens, l’animateur.trice et le processus doivent permettre au groupe de prendre du recul et de questionner ses modèles mentaux, ses attentes et ses conceptions en toute liberté. Un cadre souple et adaptable permettra au groupe de cheminer dans le processus pour arriver à une production collective mobilisante et créative. En ce sens, le groupe ne doit pas être asservi au cadre, c’est le cadre qui doit évoluer en fonction des besoins et désirs du groupe.

Pour que le groupe puisse s’affranchir du cadre, trois conditions sont nécessaires :

  1. Il sera informé et connaîtra le cadre explicite. En favorisant le partage de l’information et la transparence, l’animateur.trice permettra à tous.tes d’avoir les connaissances nécessaires à l’émancipation.
  2. Il prendra conscience du cadre implicite. Les processus conscientisants et l’utilisation de questions ouvertes permettent de rendre visible certains à-priori ou certaines idéologies implicites.
  3. Finalement, il aura l’opportunité de questionner et confronter le cadre afin de proposer un nouveau cadre négocié. Lorsque le groupe et l’animateur.trice sont en confiance, ils et elles pourront questionner et négocier les cadres conscientisés.

L’adaptation : une compétence au cœur de l’animation participative

L’adaptation est nécessaire, non seulement pour assurer que le processus permette l’atteinte des objectifs dans les intentions et le cadre négocié, mais également dans une optique d’authenticité et de sincérité de la part de l’animateur.trice. L’enjeu est de garantir que le processus serve le groupe, plutôt que le contraire.

Ce principe s’inscrit dans les savoir-être de l’animateur.trice. Ces savoir-être lui permettront d’adapter son approche et le processus au groupe et au contexte de son animation : cela nous permet de parler d’une « posture adaptative » de l’animateur.trice.

Le principal savoir-être nécessaire à l’adaptation est l’écoute. L’animateur.trice est en position sensible, empathique et en observation du groupe. Cette sensibilité pourra parfois se révéler via l’intuition, une formidable boussole qui permet d’adapter son animation au plus près des états du groupe. Il faut cependant rester attentif à ne pas se méprendre entre une intuition et une projection de ses propres idées/conceptions sur le groupe.

Privilégier le vécu sur le prévu

L’adaptation requiert d’apprivoiser son égo afin de se mettre au service du collectif. L’animateur.trice est en mesure de lâcher-prise, de faire le deuil d’un processus pourtant bien préparé, mais qui ne convient pas ou ne convient plus.

Les limites de l’adaptation

Bien que s’adapter soit une capacité fondamentale à l’animation participative, trop s’adapter peut mener à l’impuissance, à la perte d’intégrité, au non-respect des valeurs communes, d’une éthique, des intentions et des règles du groupe. Que ce soit pour l’animateur.trice ou pour le groupe, les autres principes de l’animation participative doivent en permanence guider les actions et être respectés.

L’adaptation signifie aussi la capacité de l’animateur.trice à accompagner le groupe dans toutes les phases de son processus avec bienveillance, incluant celles pouvant être plus chaotiques. Comprendre que la disruption est un passage souvent nécessaire à une résolution innovante ou cathartique (une libération des émotions négatives) permet également d’accompagner, voire de guider le groupe à travers les zones de turbulence. Par cette capacité d’adaptation, l’animateur.trice permet au groupe d’ouvrir son champ des possibles.

Le groupe est capable d’une œuvre collective et porte la réponse

En concordance avec les concepts de l’animation participative, soient l’approche conscientisante et la maïeutique (faire accoucher les cerveaux des idées), l’animateur.trice permet au groupe de produire son propre contenu, ses propres réponses aux questions.

Pour cela, l’animateur.trice est porté.e par une conviction sincère que le groupe porte sa réponse et qu’il est capable de construire un contenu. Il/elle n’est que de passage dans l’écosystème du groupe, son apport doit donc être empreint d’une grande humilité. Par respect des groupes qu’il ou elle accompagne, il/elle se retient donc d’exercer une influence sur ce contenu. En ce sens, son rôle et sa responsabilité sont centrés autour du processus :

  • L’animateur.trice retient son désir d’influence lors de la production des groupes. Si il ou elle doit exercer du conseil, ce sera toujours après le temps de production, dans le but d’ouvrir le champ des possibles et toujours en s’arrimant à la production du groupe.
  • L’animateur.trice porte également l’exigence que la production soit une œuvre collective. Il/elle fait preuve de vigilance afin de s’assurer que les contenus produits soient portés par toutes et tous.
  • De plus, pour éviter de manipuler ou d’influencer le groupe, l’animateur.trice doit tenir compte du contexte dans lequel il/elle intervient. La réponse que produira le groupe doit être alignée à la réalité dans lequel il évolue, au risque de ne jamais pouvoir se concrétiser. L’animateur doit permettre au groupe de bâtir ce sens commun et s’assurer qu’il y reste toujours aligné.

L’animateur.trice est un expert de processus, mais ne se positionnera pas comme expert du contenu, laissant cette prérogative au groupe. Toutes ses expertises et expériences de contenu seront plutôt mises au service de ce processus pour assurer sa pertinence, son efficience et son alignement sur le contexte.

La confiance en soi, avec le groupe et au sein du groupe

Le processus conscientisant repose sur la capacité de l’animateur.trice à faire confiance au groupe, à lui/elle-même et à sa posture. Cette confiance est également le socle de la coopération entre les individus et les groupes.

De même, pour ne pas projeter l’animateur.trice dans une posture d’expert du contenu et arriver à produire un contenu qui lui est propre, le groupe devra faire confiance à l’animateur ainsi qu’en lui-même, tant dans sa capacité à livrer des résultats, mais aussi en sa propre légitimité à le faire.

Ce climat de confiance se construit et n’est jamais acquis. L’animateur.trice doit le nourrir et l’entretenir continuellement via son authenticité, son honnêteté et sa sincérité. De même, le processus monté par l’animateur.trice doit également permettre la confiance entre les membres du groupe.

En quelque sorte, l’animateur.trice doit être rigoureusement et délibérément confiant et, cela, sur plusieurs plans :

  • Il ou elle doit d’abord exercer une présomption de bienveillance envers les participant.es et faire preuve d’indulgence envers lui/elle-même.
  • Il ou elle doit faire confiance en son intuition et son empathie (voir « L’adaptation : une compétence au cœur de l’animation participative »).
  • Il ou elle doit également apprendre à gérer ses propres peurs : peur du jugement du groupe, peur du vide (le silence est souvent fécond!), peur du doute, peur de l’adaptation, de perdre le contrôle, etc. C’est seulement après avoir dépassé ces peurs qu’il ou elle sera en mesure de rassurer le groupe sur sa capacité et sa légitimité à produire, à avancer.

La confiance met en lumière les liens multiples et complexes qui animent et unissent les groupes et les collectifs. Elle représente bien les dynamiques complexes et humaines dans lesquelles existe l’animation participative.