Pensée de groupe

De Niska/Accolades
Un trio de lemmings. Le mythe veut que les lemmings se jettent en masse des falaises en suivant aveuglément le groupe.

La pensée de groupe, ou en anglais Groupthink, est un phénomène qui peut subvenir lors de processus de réflexion en groupe. Lorsqu'elle opère, la pensée de groupe amène des groupes à prendre de plus mauvaises décisions collectivement que si ses membres avaient pu décider individuellement.

Ce phénomène a été documenté par le sociologue, urbaniste et journaliste américain William H. Whyte en 1952, puis développé par le chercheur en psychologie Irving Janis, en 1972. Selon Janis, la pensée de groupe est:

Un mode de pensée dont les gens usent lorsqu'ils sont profondément impliqués dans un groupe uni, quand le désir d'unanimité des membres outrepasse leur motivation à concevoir d'autres solutions de façon réaliste[1].

Principe de la pensée de groupe

La pensée de groupe est généralement causée soit par un besoin d'harmonie chez les membres d'un groupe ou une illusion de puissance découlant du nombre. Elle l'amènera à rechercher consensus imaginé et inexistant. Le désir d'obtenir ce consensus pousse les individus à sacrifier leur opinion personnelle et leur sens critique.

L'impression d'avoir trouvé un compromis plaisant à toutes et tous vient alors aveugler les participant-es du manque de réalisme ou d'intérêt d'une solution ou d'une idée. L'animateur/trice doit à tout prix être sensible à l'installation d'une pensée de groupe et doit préparer adéquatement son processus pour éviter son émergence.

La pensée de groupe a plus de chances d'opérer lorsque certains critères sont réunis:

  • L'isolement: Les décideurs forment un groupe uni et/ou l'organisation est isolée sur elle-même.
  • Une culture organisationnelle déficiente: La direction est partiale et/ou l'organisation manque de normes et d'exigences.
  • Le manque de diversité: Le groupe est homogène socialement comme idéologiquement.
  • Une situation de crise: La tension externe est forte et les membres du groupe manquent de confiance en eux et en le groupe.

Symptômes

Janis propose 8 symptômes de la pensée de groupe:

  • L'illusion de l'invulnérabilité : Le fait d'être en groupe donne une illusion d'invincibilité menant à un optimisme mal placé, on s'appuie trop sur les autres et le nombre ;
  • La rationalisation collective : Le groupe utilise diverse techniques pour justifier ses manières de procéder et pour ignorer les enjeux ;
  • La confiance aveugle en la moralité du groupe : Le fait d'être plusieurs à prendre une décision tend à dédouaner les participant-es de décisions moralement ou éthiquement douteuses ;
  • L'opposant est transformé en stéréotype : Le groupe s'assemble contre un groupe ou des invidus opposés, compétiteurs, etc. et le réduit à un stéréotype ;
  • La pression de conformité : Le groupe ostracisera ou ridiculisera quiconque pourrait présenter une vision critique ou opposée à la vision partagée ;
  • L'autocensure : En ce sens, les participant-es se limiteront dans leurs prises de parole et dans l'expression de sentiments ou d'idées contrevenant à la norme ;
  • L'illusion de l'unanimité : Comme les idées divergeantes ne s'expriment pas, un sentiment d'unanimité émergera dans le groupe ;
  • Des gardiens de la pensée auto-désignés : Certains membres du groupe le priveront volontairement de certaines informations qu'ils jugeront "non nécessaires" au nom d'un besoin d'efficacité.

Stratégies de mitigation

Janis fait plusieurs propositions pour éviter la pensée de groupe. D'un point de vue d'animation dans un cadre de développement collectif, voici quelques pistes de solution:

  1. Rester vigilant et à l'écoute du groupe.
  2. Favoriser et animer la divergence lorsque nécessaire.
  3. Permettre un câdre où toutes et tous peuvent prendre la parole ou s'exprimer.
  4. Éviter les consensus mous en privilégiant d'autres modes de prise de décision, comme le consentement par exemple.
  5. Assurer la diversité dans les groupes et croiser au maximum les savoirs: diversité des provenances sociales, sectorielles, etc.

Sources

  1. Irving Janis, Victims of Groupthink : A Psychological Study of Foreign-Policy Decisions and Fiascoes, Boston, Houghton Mifflin, 1982, 2e éd. (1re éd. 1972), 352 p. (ISBN 9780395317044, lire en ligne [archive]), p. 9